Restituer à l’Afrique son patrimoine ? Un sacré défi à relever ! (avril 2018)
Carte blanche de Philippe Nicolas
Jamais plus la moindre parcelle muséale du patrimoine africain ne retournera en Afrique aussi longtemps que l’état d’esprit scientifique et les budgets pour une gestion patrimoniale et artistique respectueuse, saine et pérenne ne seront organisés par ces … « potentats-dévoyés-prédateurs-voleurs », ce sont eux (!) et non les explorateurs, ni les colonisateurs et leur cortège d’anthropologues et de scientifiques qui savamment ont collecté, enregistré et étudié ce qui aurait sans doute disparu, ce qui aurait totalement été détruit par les termites ou suite à diverses expressions de violence, de vandalisme ou de négligence coupable qui émaillent ces états. Des états qui sont à mille lieues de ce qu’on attend d’un état de droit. Des sociétés humaines qui ne sont guère respectueuses de l’histoire, à commencer par la leur ! En effet la science de l’histoire, l’Histoire avec une majuscule, comme la petite histoire, reste un parent pauvre en Afrique. Le respect des monuments et des statues y laisse pour le moins à désirer, la gestion et la visite des musées africains, pour ce qu’il y en a .., par les Africains ou même la fréquentation de nos meilleurs musées en Occident par la diaspora africaine, ne font pas vraiment partie des préoccupations et des centres d’intérêts du ‘citoyen africain moyen’ qui généralement n’aura hâte que de se défaire auprès du plus offrant de ces témoignages de son passé malgré parfois leur valeur artistique, culturelle, voire historique inestimable. Au «respect» des témoignages de l’excellence artistique et culturelle du passé, on préfère souvent le consumérisme contemporain, sauvage, « bling bling » et débilitant.
A l’ère où tant de falsificateurs d’histoire, en quête de publicité facile et dont le combat criminel, stupide ou naïf s’inscrit dans la repentance anti-occidentale excessive, voire masochiste, confondant désespérément la perméabilité infinie du « multiculturalisme » béat ambiant, avec l’humanisme universel, la curiosité et l’hospitalité ainsi que la rigueur scientifique occidentale dans le respect de sains équilibres « interculturels », il convient de s’opposer aux malheureux desseins de ceux qui souhaitent enlever quasiment toutes les statues et détruire les monuments. Ceux-ci sont souvent dans le meilleur des cas copieusement badigeonnés au préalable, alors qu’ils constituent les pierres angulaires de la mémoire humaine, fiers témoignages architecturaux et artistiques du passé, dont la mission est de survivre à de nombreuses générations du genre humain. Nous avons connu la furie destructrice des églises et de leurs ornements en marge de la Réforme protestante, la barbarie et de sinistres destructions lors de la Révolution française, les Liégeois démolisseurs de la cathédrale Saint Lambert, iconoclastes parmi les iconoclastes, l’autodafé de livres « proscrits » à toutes les époques et en particulier sous le nazisme et que dire de la révolution soi-disant « culturelle » en Chine maoïste ou de ces Talibans qui firent sauter les Bouddhas géants en Afghanistan ou de ces pilleurs de musées et destructeurs de patrimoine en Irak libéré, sans oublier les incendiaires des forces du mal par le dynamitage des témoignages inestimables du patrimoine mondial de l’humanité dans des régions du Sahel soumises à l’arbitraire islamiste ou dans des lieux archéologiques syriens aussi mythiques que Palmyre.
En France, le Président Emmanuel Macron ferait-il une fixation maladive dans un esprit de repentance obsessionnelle vis-à-vis de tout ce qui touche à « l’époque coloniale », confondant les époques et les contextes ? Citons Paul Vannès : « l’arbre des méfaits ne peut cacher la forêt des bienfaits » … Certes, des civilisations, amérindiennes par exemple, furent parfois amputées de leur mémoire sous les excès de conquérants avides d’or et sûrs de leur bon droit et de leurs bonnes convictions. Entre-temps il convient d’ouvrir d’urgence les yeux de nos gouvernants car on pourrait alors tout aussi bien vider tous les musées français, à commencer par Le Louvre, de toutes ces exceptionnelles « acquisitions » françaises. Nourrissons l’espoir que le Président de la République française et tant d’autres responsables politiques dans leur infinie sagesse soient mieux conseillés afin que les perles rares du patrimoine mondial ne disparaissent à jamais, suite à des décisions hâtives et irréversibles, aussi naïves que stupides.
Progressivement dans le paradigme d’un véritable développement d’états structurés, les Africains, un jour qu’on souhaite le plus proche possible, s’intéresseront sans doute à leur « Panthéon » et alors seulement certains prêts ou dons de quelques rares originaux ou de copies pourront être envisagés ..
Philippe NICOLAS,
Gand