L’agriculture est l’activité primaire de base dans tous les pays du monde. Elle permet de nourrir la population et ses acteurs sont le garant des traditions ancestrales, l’âme de la nation. Le Congo n’a pas fait exception et, à l’arrivée des premiers Européens, les entités traditionnelles, les diverses ethnies avaient organisé leur approvisionnement en fonction des disponibilités locales, la cueillette, la chasse, la pêche, complétées par la culture de quelques produits viviers et du petit élevage.
La disponibilité des terres cultivables permettait d’assurer l’autosuffisance alimentaire à la population essentiellement paysanne dans des conditions climatiques normales.
Les approvisionnements n’étaient pas réguliers, non seulement ils étaient saisonniers mais sujets aux aléas de la météo ou des invasions d’insectes.
Peu de plantes vivrières sont originaires de l’Afrique centrale, le sorgho et le millet peut-être quoique certains scientifiques pensent qu’ils pourraient venir de l’Asie du Sud Est ou de l’Inde.
Les origines de l’igname, qui a toujours constitué l’aliment de base des gens de la grosse forêt, n’ont pas su être déterminées avec précision.
Par contre, en ce qui concerne l’arbre de vie, le palmier à huile, l’Elaeis Guineensis, il est originaire du golfe de Guinée et semble avoir toujours été l’arbre miraculeux donnant une huile comestible abondante, une couverture à la hutte familiale et l’ivresse pour les moments de joie ou de tristesse.
Quant aux autres plantes comestibles consommées dans la cuvette congolaise, elles proviennent des autres continents transportées dans les bagages des commerçants et trafiquants de tous poils.
D’Amérique Centrale ou méridionale, les négriers de l’Atlantique ou les commerçants portugais ont ramené au XVllème siècle l’arachide, la patate douce, le maïs, le cocotier, quoique celui-ci pourrait provenir de l’Océanie et surtout le manioc, base actuelle de l’alimentation d’une bonne partie de la population congolaise.
Plus tard, fin du XVllème, début du XIXème siècle, les Arabes ont introduit des espèces en provenance du Sud Est asiatique ayant transité par l’Inde, l’Arabie et la côte de l’océan indien, telles le riz, le soja; la canne à sucre aussi quoiqu’elle semble avoir été introduite à partir des Iles Canaries vers le XVème siècle.
Le bananier est une des plantes les plus précieuses des pays tropicaux et subtropicaux. Il est originaire des régions tropicales de l’ancien monde, mais les espèces comestibles ont leur berceau dans l’Asie sud orientale, l’archipel malais et les Iles Philippines.
La présence du bananier dans la cuvette centrale remonte à très loin, il est déjà signalé par les trafiquants esclavagistes le long du fleuve Congo au XVlème siècle.
1. L’Etat indépendant du Congo
L’arrivée des premiers Européens suivie de l’organisation administrative et le développement économique du pays ont profondément modifié la structure de l’agriculture.
Tout en continuant à subvenir aux besoins de la population sédentaire, il fallait aussi assurer l’approvisionnement des expéditions d’exploration, de l’administration, de l’armée et de toute une série de petites agglomérations dont certaines prendront de plus en plus d’ampleur, centres administratifs, commerciaux ou miniers.
Le glissement de population du milieu agricole vers les agglomérations naissantes eut pour résultat que les villageois agriculteurs devront dégager des surplus agricoles pour ravitailler ceux qui auront quitté le milieu rural pour vivre dans les centres extra coutumiers. Dans un premier temps ce sera particulièrement difficile dans le Mayumbe et le Bas Congo où une grande quantité de cultivateurs seront détournés de leurs travaux agricoles traditionnels pour assurer le portage puis devront participer au ravitaillement de la masse de travailleurs importés pour la construction du chemin de fer.
Ces grandes modifications structurelles seront encadrées non seulement par un tissu administratif naissant mais aussi par l’installation de missions dirigées par des congrégations religieuses ayant pour objectifs l’évangélisation mais aussi l’éducation et le développement sanitaire.
A cette époque, les exportations agricoles étaient axées sur les produits de la cueillette, essentiellement le caoutchouc des lianes laticifères et l’ivoire.
Mais rapidement, des sociétés agricoles s’installent et se hasardent à investir dans une agriculture nouvelle et aléatoire. Quelques années plus tard, on assiste à quelques timides ébauches d’exploitation forestière qui tenteront de couvrir les besoins locaux.
D’autres essais de plantations industrielles sont mis sur pied avec des résultats assez décevants, du café en 1881, du cacao en 1886 et de l’hévéa en 1904 introduit pour compenser la diminution des lianes laticifères surexploitées.
Dès 1886, fut créée la C.C.C.I. (Compagnie du Congo pour le Commerce et l’industrie), la douairière, qui envoya dans l’hinterland congolais en 1890 et 1891, deux expéditions dont la dernière fut prise en charge par la jeune Compagnie du Katanga afin d’explorer et d’évaluer les capacités économiques de ce vaste pays.
En 1886, le Syndicat de Mateba importe ses premières têtes de bétail.
En 1888, création de la Compagnie des Magasins Généraux et la Société Anonyme Belge pour le Commerce du Haut Congo (S.A.B.). En 1889, création de la Compagnie du Chemin de fer du Congo.
Dès 1894, quarante steamers sillonnaient le moyen et le haut fleuve ainsi que leurs affluents.
Dés la fin du XIXème siècle, le milieu scientifique belge s’est attelé à faire l’inventaire de la flore du centre de l’Afrique, nous ne citerons aucun nom, les grandes figures sont bien connues mais combien de dévoués collaborateurs plus discrets mais tout aussi efficaces ont-ils été oubliés.
Tandis que le Jardin Colonial de Laeken procède à l’introduction de plus de 800 espèces, le jardin botanique d’Eala, qui fut créé en 1900, la même année que celui de Kisantu, acclimate plus de 1.200 espèces tropicales économiquement prometteuses.
En 1902, création de la Compagnie du Chemin de fer du Congo Supérieur aux Grands Lac Africains (C.F.L.).
En 1906 naissance de I’Union Minière du Haut Katanga, la Compagnie du Chemin de Fer du Bas Congo au Katanga (B.C.K.) et la Société Forestière et Minière du Congo (Forminière).
2. La Colonie
La reprise du Congo le 15 novembre 1908 par la Belgique a amené de très grandes réformes dans la politique économique.
Le gouvernement belge, nouveau responsable du Congo, s’est immédiatement employé sous l’impulsion du Ministre des colonies et sous la direction d’un Gouverneur Général responsable en Afrique à organiser un état moderne, à mettre en place une administration efficace et motivée.
Durant les six premières années de la colonie, les efforts du gouvernement furent axés sur la mise au point de la politique coloniale.
Dès 1910, il fut créé au sein du Ministère des Colonies une Direction Générale de l’Agriculture.
Le développement économique et le bien-être des autochtones devenaient, immédiatement après l’organisation administrative, les principales priorités.
La production de cuivre par l’Union Minière du Haut Katanga a réellement commencé en 1911, dès lors, l’agriculture n’était plus le seul moteur économique de la jeune colonie. L’industrie extractive se diversifie, le cuivre bien sûr, à tout seigneur tout honneur, mais aussi l’or, le zinc, le diamant, le cobalt, le plomb, le tantale et les métaux rares ; bref, la mise en valeur du « scandale géologique ». Elle participe très largement à la prospérité du Congo mais détourne, ainsi que la construction et l’entretien des routes, la main-d’œuvre agricole, les paysans, de leur activité traditionnelle.
Les grands centres extra coutumiers naissent autour des piliers industriels et administratifs et les agriculteurs qui sont restés dans les villages doivent redoubler d’efforts pour assurer l’approvisionnement en vivres des nouveaux citadins.
Les premiers investissements des entreprises agricoles se rentabilisent, d’autres sociétés apparaissent, des capitaux étrangers s’investissent dont le groupe britannique Lever Brothers qui crée la Société Huileries du Congo Belge.
A partir de cinq concessions de soixante kilomètres de rayon, à Bumba, à Basongo, à Barumbu, à Lusanga et dans la Ruki-Momboyo, le groupe Lever Brothers développe ses sites d’exploitation par l’achat de produits aux villageois, dans un premier temps, puis par l’installation de plantations industrielles.
Dès 1929, les Huileries du Congo belge produisaient 30.296 tonnes d’huile de palme et 75.388 tonnes de noix palmistes.
L’élevage prendra de plus en plus d’extension durant toute la période coloniale malgré les difficultés non seulement d’acheminer des souches productives au centre de l’Afrique mais aussi de les adapter aux conditions climatiques et surtout de lutter, de tenter d’éradiquer les grandes maladies épizootiques telles que la trypanosomiase, la piroplasmose etc.
De grands élevages virent le jour dans le Bas Congo, au Katanga et au Kivu, mais aussi dans les Bandundu, l’Ubangi et la Province Orientale.
De 1908 à 1960, l’essor de la colonie est croissant mais trois événements extérieurs influencent en sens divers le développement.
3. La première guerre mondiale
Cinq ans après la cession à la Belgique, la première guerre mondiale brisera le dynamisme de l’expansion en provoquant la rupture des communications avec la métropole.
Les efforts de production, spécialement de riz des montagnes, de café, de coton et d’huile de palme continuèrent cependant malgré les difficultés conjoncturelles:
Grâce au travail de la population rurale encadrée par les Agents de l’Administration, la situation agricole fin de la première guerre mondiale était excellente.
Les produits de consommation non seulement étaient présents sur tous les marchés locaux, ruraux ou miniers, mais aussi flatteusement représentés sur les marchés internationaux.
La fin des hostilités a marqué le début d’une grande expansion économique suite à la création de quantité de nouvelles sociétés industrielles, commerciales et agricoles souvent mixtes.
En milieu coutumier, le riz, le maïs, le manioc, les haricots, la patate douce, le soja, l’arachide, le coton; mais aussi des petites puis de grandes plantations d’huile de palme, de canne à sucre, de café, de bananiers, de thé, d’hévéa, de cacao, de tabac, sans oublier le pyrèthre, le quinquina, la papaïne, les plantes à fibres etc. qui ont vu leur production augmenter d’une manière étonnante suite aux efforts des paysans mais aussi des compagnies de plantations qui ont consentis de gros investissements dès 1910.
Les années 1918 à 1933 furent réellement des années d’expansion et de développement agricole de la Colonie. L’enseignement agricole prend de l’importance, tant de la part de l’administration coloniale et des missions, mais aussi de l’initiative privée des entreprises agricoles présentes sur le terrain qui forment leurs propres cadres subalternes puis bientôt supérieurs. Plusieurs stations d’essais furent créées à cette époque, telles Barumbu, Yangambi et Lula.
En 1921, le gouvernement organise la culture cotonnière en milieu coutumier parallèlement au développement de l’industrie textile à Léopoldville et en 1933, la mise en place du paysannat agricole assure une large autonomie vivrière mais conforte aussi l’industrie textile. Ces paysannats avaient pour objectif un développement agricole intégré en vue de l’amélioration des conditions de vie en milieu rural.
Le 9 juin 1926, fut créée la Régie des Plantations de la colonie (REPCO) afin d’étudier et de réaliser l’établissement de plantations modernes.
4. La grande crise économique
La crise économique de 1929 à 1934 freine le commerce extérieur et amène une diminution des exportations de l’ordre de 40 %.
Un grand nombre de Sociétés agricoles ont dû restreindre leurs activités, licencier de la main-d’œuvre et, certaines, moins solides, ont disparu de la scène économique. Il faudra attendre 1937 avant d’avoir retrouvé la croissance d’avant la crise.
C’est en 1933 que fut créé l’Institut National pour l’Étude Agronomique au Congo belge (INEAC) avec pour objectif l’étude scientifique, l’amélioration, l’acclimatation des ressources agricoles, l’élaboration de techniques de plantation adaptées afin d’assurer aux populations autochtones le bien-être nécessaire à leur développement et générer un surplus destiné aux marchés mondiaux.
L’INEAC a entrepris l’étude scientifique non seulement des sciences de la terre et de l’environnement telles la géologie, la pédologie, la climatologie, l’entomologie, mais aussi l’amélioration du matériel végétal par sélection et génétique, la phytopathologie sans oublier les ressources forestières, la zootechnie, la pisciculture et la mécanisation.
Reprenant les plantations de la Régie des Plantations de la Colonie (REPCO), développant d’autres stations de recherches réparties sur tout le territoire et surtout en créant la station de Yangambi où seront développées les recherches sur les cultures vivrières et industrielles, l’INEAC a pris une position en flèche dans la recherche agronomique et s’est hissé aux premiers rangs des institutions scientifiques internationales.
Yangambi était devenu un haut lieu de la science agronomique.
5. La seconde guerre mondiale
Après une nette amélioration de la conjoncture, la seconde guerre mondiale a pour effet de soumettre l’économie congolaise aux besoins, aux exigences des alliés dans le cadre de l’effort de guerre.
Si l’industrie extractive est souvent citée comme exemple pour sa participation à la victoire alliée en 1945, l’agriculture n’est pas demeurée en reste.
Un effort fut demandé aux chefferies, non pas uniquement durant la seconde guerre mondiale, mais déjà en 1917, afin d’augmenter le ravitaillement et l’équipement des armées.
Durant cette dure période, de 1940 à 1945 la production ne fléchit pas, l’effort de la Colonie pour soutenir l’action des alliés contre les forces de l’Axe fut considérable et déterminant pour la victoire finale.
La fin de la seconde guerre mondiale voit la mise en place et la réalisation d’un plan décennal de planification publique du développement avec la participation des entreprises privées en vue de l’extension et de la rationalisation des créneaux du transport, de l’industrie et de l’agriculture qui prend de plus en plus d’importance face aux productions minières.
6. La dernière décennie
En 1951, la parité entre les deux branches majeures de l’économie congolaise était acquise, l’équilibre était atteint.
Le plan décennal est une grande réussite, entre 1945 et 1959, le revenu par habitant en milieu agricole a doublé et la population vivant de l’agriculture a augmenté de 20 % atteignant le chiffre de 10.768.000 habitants.
Le 30 juin 1960, jour de la passation des pouvoirs, de la cession de la souveraineté nationale aux Congolais, la Belgique transmettait un pays prospère, à l’économie florissante, équilibrée, dans laquelle la part de l’agriculture était représentative et permettrait un développement rural tant par les études scientifiques mises en place que par l’enseignement et la production largement excédentaire. Aucun habitant, Congolais ou Expatrié ne souffrait de malnutrition, d’insuffisance alimentaire.
L’élan était donné, l’horizon était dégagé, le Congo indépendant pouvait prétendre prendre place dans le concert des nations modernes et prospères.
Retrouvez les témoignages sur ce sujet dans la vidéo ″Agronomes et Vétérinaires″
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