Traduction de l’article d’Afrikagetuigenissen paru dans la revue 35 page 30.
Nous rendons hommage à la mémoire d’un missionnaire extraordinaire, l’évêque de Wamba (Haut-Uele), Joseph Wittebols, qui, en même temps que 35 autres victimes, fut assassiné dans d’horribles conditions, le 26 novembre 1964, lors de la révolte des Simbas.
‘Jefke’ Wittebols avait grandi comme un vrai ‘ketje’ bruxellois et il le resta toute sa vie. Même revêtu de la dignité épiscopale, il conserva son style spécifique, direct et sans ambages, mélangeant gentiment le français et un dialecte bruxellois français-flamand.
Joseph Wittebols s’était révélé un étudiant hors ligne qui s’était fait remarquer, d’abord au cours de ses études moyennes et ensuite lors de sa formation religieuse. Ses condisciples se souviennent de lui comme d’un humoriste né, qui se devait de monter sur scène à chaque festivité. Il suffisait qu’il entre en scène pour que son regard faussement timide, derrière ses grosses lunettes, suscitât des éclats de rires. Doué d’une belle voix de basse, il connaissait un grand nombre de joyeuses chansons bruxelloises.
Consacré prêtre à Louvain en 1937, il s’embarqua en automne 1938 à Anvers pour l’Afrique.
Arrivé à Stanleyville, l’archevêque de l’époque, Mgr. Verfaillie, chargea aussitôt Joseph Wittebols de créer une nouvelle école pour enfants européens. Devenu directeur de ce ‘Collège du Sacré Cœur’, il y enseigna lui-même et devint aumônier d’une troupe de scouts. L’école connut un vif succès, son importance grandissant encore en 1940, lorsqu’il devint impossible de faire enseigner les jeunes en Belgique.
Evêque de Wamba
La mission des Pères du Sacré Cœur ne cessant de croître, l’étendue du champ d’action (6,5 fois la superficie de la Belgique) rendit nécessaire, en 1949, la scission de cette mission en deux parties. C’est ainsi que Joseph Wittebols devint le premier vicaire apostolique du nouveau vicariat de Wamba, dans le Haut-Uele. En 1949, à Bruxelles, le cardinal Van Roey le consacra évêque.
Il fallait travailler dur dans ce vicariat, qui fut élevé au rang de diocèse par le pape Jean XXIII. Mgr. Wittebols sut créer des attaches solides avec ses missionnaires. Au moins quatre fois par an, il tenait à visiter chaque poste missionnaire et il entretenait une correspondance abondante avec eux. Sa jovialité et sa bonne humeur, héritées de sa jeunesse, étaient légendaires. Il s’érigea en gestionnaire capable d’encourager les gens et d’inspirer la confiance. A son arrivée à Wamba, ce n’est qu’à un seul endroit, à Bafwabaka, que des religieuses étaient actives, mais il y en avait déjà dix en 1964 et deux couvents étaient en voie d’être créés. En 1956, l’évêque ouvrit une école normale à Avakubi et un an plus tard un petit séminaire pour candidats-prêtres à Lingondo, qui compta soixante-trois séminaristes en 1963.
Mgr. Wittebols se préoccupait également des soins médicaux. A Bayenga, il procéda à la reprise d’un hôpital qui avait appartenu à une société minière. Toutefois, la situation étant devenue instable après l’indépendance du Congo, il devint difficile d’attirer du personnel médical. L’évêque réussit cependant à recruter un médecin belge pour Bayenge, mais celui-ci fut assassiné ultérieurement par les Simbas. Il transforma la léproserie de Pawa, créée jadis par la Croix Rouge mais abandonnée en 1960, en une école pour infirmiers, dont il était envisagé d’assurer la formation par des enseignants européens. Cette école devait prendre son envol en septembre 1964, mais l’arrivée des Simbas vint empêcher l’aboutissement de ce projet.
Au 30 mars 1964, le personnel de la mission de Wamba était composé de 47 prêtres (dont 6 prêtres diocésains congolais), 12 frères, 92 sœurs, appartenant à 4 congrégations distinctes, dont une congolaise.
Dans le domaine de l’enseignement et des soins médicaux, l’on dénombre : 325 écoles primaires, comptant 20.835 élèves, 7 hôpitaux (1.016 lits), 18 dispensaires (1.303.658 consultations), 11 maternités (8.932 naissances), 8 léproseries (2.791 malades), 2 hospices pour personnes âgées (34 occupants) et 2 orphelinats (112 orphelins).
Les martyrs
Les troubles consécutifs à l’indépendance finirent par être fatals pour la mission de Wamba. En 1962, Monseigneur Wittebols allait revoir pour une dernière fois son pays natal, la Belgique, en prévision de l’ouverture du Concile de Vatican II à Rome.
Gizenga, fidèle émule de Lumumba, avait formé un gouvernement révolutionnaire à Stanleyville et il se montrait hostile aux missions. La situation économique s’empirait de jour en jour. Vu la dégradation de la situation, Mgr. Wittebols, au lieu de poursuivre son voyage à Rome, préféra retourner au Congo, près de ses fidèles.
Le 15 août 1964, les rebelles firent irruption à Wamba où ils instaurèrent aussitôt un régime de terreur. Les chefs des tribus locaux et les agents des services publics furent massivement exécutés et la mission fut occupée le 29 octobre suivant. Des exactions incessantes et, notamment, la présence obligatoire lors des séances de tortures des confrères furent le sort des missionnaires. C’est alors que Mgr. Wittebols a craqué. Il devint silencieux, s’abstenant de participer aux conversations.
Après la libération de Stanleyville par les parachutistes belges, la rage des Simbas vint frapper les missionnaires et les autres occidentaux présents à Wamba. La journée du 25 novembre fut caractérisée par un sentiment d’abattement général. Vers 17 heures, les prisonniers furent répartis en trois groupes : les Américains, les Belges et les autres occidentaux. Deux missionnaires protestantes, dont l’une était en fait anglaise furent jetées par terre et tuées à coups de talon dans la nuque. Le lendemain vers 13 heures, les blancs survivants furent assassinés. En tant que supérieur de la Mission, l’évêque était spécialement visé. Ces martyrs, au nombre de 36, périrent dans des conditions d’horreur indescriptibles. Précisons simplement que le colonel des Simbas avait réclamé l’honneur de pouvoir tuer en premier lieu Monseigneur Wittebols.
Guido Bosteels