Traduction de l’article de Guido Bosteels paru en néerlandais dans la revue n° 46 de juin 2018 page 51.
S’il y a bien un sujet qu’il ne faille jamais sortir de l’oubli c’est bien la notion de « colonisation ». Après avoir connu ses heures de gloire au long des siècles passés, la tendance dominante actuelle est que le rapport entre les pays développés et ceux qui ont encore un long chemin à parcourir ne peut plus être résolu par la domination.
Quoi qu’il en soit, nous les vétérans d’Afrique, sommes taraudés par les différences de niveaux entre les populations mondiales. C’est d’ailleurs un problème de tous les temps : aussi bien en ce qui concerne notre passé que le présent ou le futur.
L’évolution rapide et la prospérité croissante qui en résulte depuis plusieurs décennies ont creusé encore plus la faille entre nos pays occidentaux et ceux moins développés.
La manière utilisée dans le passé pour solutionner ce différentiel de développement est une source fondamentale de discussions, controverses et tensions depuis des dizaines d’années. La prise de conscience politique dans ce qu’on appelait jadis les pays non alignés a fait conclure à la conscience mondiale que ce système ne correspondait plus aux normes éthiques actuelles.
Pour satisfaire aux besoins des pays délaissés, nous avons fait connaissance avec le phénomène de l’aide au développement à laquelle – selon des données de l’OCDE – nous avons consacré en 2016, mondialement, un montant de 116 milliards de dollars.
Les problèmes des pays délaissés sont-ils pour autant résolus ?
Cela ne semble pas pour le moins être le cas.
De plusieurs côtés des voix se sont élevées pour mettre en évidence les aspects négatifs et l’inefficacité de l’aide au développement dans beaucoup de cas. Il y a quelques mois parut le fameux livre « Dead Aid » (traduit par « Aide Fatale ») de la chercheuse Dambiso Moyo, qui n’hésita pas à condamner certains effets néfastes de ce genre d’aide. Plus récemment il y eut ce politologue américain Bruce Gilley, professeur à la Portland University aux Etats-Unis, qui – non sans accros vestimentaires – et à la grande colère et consternation d’innombrables Américains bien-pensants, a osé écrire que le colonialisme possède également de bons côtés.
Le coup de grâce fut donné par le Président du Ghana Nana Akufo Addo, qui fit fureur lors d’un discours à l’occasion de l’accueil au Président français, Macron. Il y fit courageusement montre d’un grand degré de conscience et d’honnêteté intellectuelle. Il s’exclama : « Il n’est pas acceptable que mon pays, après soixante ans d’indépendance ait encore à recevoir de l’aide au développement – 1 milliard d’Euros par an – pour pouvoir nouer les deux bouts ! ». Il n’hésita pas non plus à comparer son pays avec la Corée du Sud qui, il y a soixante ans, était plus pauvre que le Ghana, mais qui entretemps, comme chacun sait, a accompli un parcours extraordinaire. Est-ce illusoire d’espérer que bientôt nous entendrons un tel langage émaner d’autres régions d’Afrique ?