Traduction de l’article de Guido Bosteels paru en néerlandais dans la revue n° 47 de sept 2018 page 61.
Voici une parution originale et attendrissante sur le marché du livre : le roman de Herlinde Leyssens « Kongokorset » édité récemment (Editions VRIJDAG à Anvers). En prendre connaissance procure une grande satisfaction, d’autant plus qu’il s’agit d’une évocation qui, de par son contexte, nous intéresse tout particulièrement : les toutes premières années de la présence belge sous l’équateur. Nous découvrons également la première œuvre d’une auteure pour qui l’écriture semble apparemment innée.
Elle nous relate la biographie romancée d’une certaine Gabrielle Deman qu’elle nous présente comme étant la première femme européenne à avoir parcouru le Congo en 1904. Cela pourrait se dire pour une personne issue d’un milieu bourgeois, car des religieuses s’y trouvaient depuis longtemps auparavant, telles les Sœurs de la Charité, qui déjà en 1897 avaient voyagé de Matadi à Mikalayi, et ceci à une époque où la ligne de chemin de fer Matadi-Léopoldville ne comportait encore que 10 kilomètres. Ces sœurs que rien n’arrêtait durent se résoudre à parcourir ce trajet par la sinistre route des caravanes.
Nous devons également mentionner les missionnaires protestantes qui étaient probablement déjà installées sur place depuis longtemps.
Cette Gabrielle n’est pas n’importe qui : pour commencer elle vient d’un milieu très sélect : son père, Edmond Deman, est éditeur et animateur d’un club de lecture et de discussion fréquenté par de nombreuses personnalités littéraires remarquables : Maurice Maeterlinck, Emile Verhaeren, Fernand Khnopff, Theo Van Rysselberghe, Félicien Rops, pour n’en citer que quelques-uns. Qui plus est, cette fille est ambitieuse : elle veut se consacrer à la science et l’Afrique lui trotte également en tête.
Tout ceci va se concrétiser lorsqu’un beau jour un jeune et brillant officier se présente au bureau de papa Deman, un certain Albert Sillye, qui a déjà à son actif deux termes au service de l’Etat Indépendant du Congo. On devine la suite : notre Gabrielle en tombe immédiatement amoureuse et on les fiance rapidement. Après de courtes fiançailles, Albert doit reprendre son service en Afrique, il en résulte 300 tendres lettres…que notre auteure découvre au Musée Africain de Tervuren.
Alors le 2 juin 1904, ça y est : ce jour-là le ss Anversville quitte le quai du Steen à Anvers : ce sera le voyage de noces du jeune couple et le début de l’épopée congolaise de Gabrielle.
Il y a dans ce livre des centaines de pages de lecture passionnante qui nous décrivent admirablement les conditions de vie lors des premières années du vingtième siècle, aussi bien dans les milieux bourgeois de Bruxelles que le long des berges du fleuve Congo ; elles sont ramenées à la vie de manière très imagée. Tenons compte toutefois qu’il s’agit d’une biographie romancée, mais laissons-nous emporter par le récit et par cette abondance de détails typiques qui décrivent si bien la vie coloniale à cette époque.