Traduction de l’article de Guido Bosteels paru en néerlandais dans la revue n° 49 de mars 2019, page 51
Quelle drôle d’époque vivons-nous ! Comme jamais auparavant nous sommes jour après jour inondés par un tsunami d’actions agressives et d’initiatives ayant pour seul but : coller un complexe de culpabilité aux Européens et plus particulièrement aux Belges.
La critique de la politique de Léopold II, le culte de Lumumba, l’enlèvement des statues et des noms de rues de l’époque coloniale, la série-TV «Kinderen van de Kolonie», la «désinfection» des réminiscences dans le musée africain de tout ce que les Belges ont apporté à la population congolaise, la demande pressante pour des excuses, rien n’est trop bon pour faire table rase d’un passé qui ne peut subsister que comme une tache aveugle dans la mémoire de notre population.
Avec le temps qui passe la tâche se facilite d’ailleurs encore : le rédacteur en chef d’un «grand quotidien» laissait entendre dans son édition du 19 février dernier que maintenant que les anciens coloniaux étaient âgés ou décédés, «il était grand temps d’effectuer une réévaluation morale». Ainsi exprime-t-on l’idéologie donnée en pâture à un public «développé» !
Pauvres «colonisés» : les tortionnaires du musée africain, par exemple, se tiennent déjà prêts à émettre leur diagnostic : trois mots suffisent pour cela : racisme, exploitation et violence (dixit le Directeur Gryseels dans le «Standaard» du 20 août 2017). Que ces sacrés colonisateurs aient mis fin au commerce de l’esclavage et aux horribles luttes tribales, qu’ils aient fourni aux Africains la roue, l’écriture et une langue universelle, qu’ils aient combattu les atrocités rituelles et la polygamie, qu’ils aient livré avec succès bataille contre une série de maladies endémiques et l’analphabétisme, qu’ils aient familiarisé les Congolais avec la charité chrétienne, qu’ils aient mis en place en quelques décennies une infrastructure médicale impressionnante et gratuite et un système très étendu d’enseignement également gratuit, qu’ils aient développé dans ce même court laps de temps une infrastructure économique florissante, qu’ils s’employaient à créer une classe moyenne dont le niveau de vie était le plus élevé d’Afrique et approchait celui du sud de l’Europe, tout cela sont des détails de l’Histoire qui dérangent le discours dominant actuel et qu’on préfère soigneusement occulter.
Il est également de bon ton de se taire discrètement à propos de l’effrayant déclin des conditions de vie dans l’actuelle Afrique Centrale où le gros de la population tente de survivre avec un dollar par jour, alors qu’une classe supérieure se distingue par son incurie, par son enrichissement illégal astronomique et sa violation éhontée du droit public et privé.
Dans son article du 19 février, le rédacteur en chef cité plus haut se réjouit impatiemment de la mort prochaine des derniers ex-coloniaux et salue également «les descendants de Congolais qui sont devenus des intellectuels émancipés». Nous pouvons lui recommander la lecture d’ouvrages de certains d’entre eux. Citons par exemple le livre de l’universitaire Jean-Pierre Nzeza Kabu Zex-Kongo : «Léopold II-Le plus grand chef d’Etat de l’histoire du Congo» (L’Harmattan, Paris, 2018).
Plus remarquable encore, le livre «L’Afrique à désintoxiquer» (Editions Dualpha) de l’auteur et politicien Ernest Tigori (Côte d’Ivoire), dans lequel celui-ci soutient qu’il est temps de libérer l’Europe de son complexe de culpabilité et l’Afrique de son infantilisme. D’après lui il n’y a pas de circonstances déterminantes pour expliquer l’apparente incompétence de l’Afrique à parvenir enfin à se développer. Quand pourrons-nous en Europe espérer une indispensable ouverture d’esprit qui rendrait possible une réconciliation constructive entre les anciens colonisateurs et les colonisés?