Traduction de l’article de Guido Bosteels paru en néerlandais dans la revue n° 57 du mois de mars 2021, page 52.
« Allez et enseignez tous les peuples », « Aimez votre prochain comme vous-même », on devine combien de telles devises devaient être dominantes, jadis, dans un monde imprégné de chrétienté, mais il faut bien constater qu’entretemps la déchristianisation poursuit son cours… Nous savons tous que de nombreux ordres religieux ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils ont été.
A l’époque, nous avons vu les religieuses à l’œuvre, jour et nuit, dans les salles de malades des hôpitaux, notamment en brousse, actives comme des fourmis, soigneuses et attentives, s’efforçant à subvenir à des problèmes médicaux de toutes sortes, ayant acquis progressivement un trésor d’expérience et de savoir-faire dans un environnement tropical si spécifique. Elles avaient appris comment se comporter dans ce mode de vie africain, n’hésitant jamais à faire face à des situations rébarbatives ou primitives, à des réactions inaccoutumées ou inattendues, au manque criant d’hygiène, à des réactions et des façons d’agir incompréhensibles, notamment même de la part des proches accompagnant les malades, qui n’étaient nullement informés de la façon dont il convenait de se comporter dans un tel environnement et qui se montraient si insoucieux des règles à observer en matière d’asepsie et d’hygiène.
De même, nous avons eu l’occasion de nous rendre compte combien ces religieuses étaient conscientes de la nécessité d’ériger des centres sociaux, parfois avec des moyens limités, dans le but d’inculquer aux femmes et jeunes filles africaines des préceptes élémentaires sur le plan des soins aux enfants, de l’hygiène corporelle, de la prévention des maladies, etc.
Une vie de détachement
Levée de bonne heure, prière matinale journalière, repas collectifs sobres, une vie soumise à l’œil attentif et permanent d’une autorité supérieure, privation de détente et de contacts avec le monde extérieur, tel était le cadre de vie de ces nombreuses femmes qui avaient fait le choix de consacrer leur vie à Dieu et à leur prochain. Nous connaissons les engagements auxquels les sœurs avaient souscrit vis-à-vis des congrégations auxquelles elles avaient choisi d’adhérer :
- L’obéissance : une soumission intégrale à la règle imposée par la congrégation,
- L’abstinence totale dans le domaine des relations intimes,
- La pauvreté permanente, et ce nonobstant la valeur inestimable du volume de travail qu’elles n’ont jamais manqué de fournir.
Un choix délibéré
Nous ne pouvons exclure que certaines jeunes femmes aient opté pour une telle vie de détachement et de serviabilité extrêmes sans avoir eu pleine conscience du bonheur qu’aurait pu leur assurer une vie maritale habituelle. Dans la mesure où leur décision a bien été prise en pleine conscience, leur choix mérite d’autant plus de respect et d’admiration. Et cela plus encore lorsque une telle option a conduit à une issue fatale, à savoir les atrocités innommables et fatales qu’ont subi de nombreux religieux, masculins ou féminins, lors des crises épouvantables ayant assombri la décolonisation de l’Afrique. Heureusement, les noms de ceux-ci sont inscrits sur les murs du Mémorial de Gentinnes.
Cet estimable souvenir ne nous empêche cependant pas d’être saisis d’un sentiment de malaise face au manque d’admiration et de souvenance dues aux mérites inestimables de ces innombrables bienfaitrices et bienfaiteurs de la population africaine.